Exploitées jusqu'au début des années 2000 au nord de la Haute-Vienne, les anciennes mines d'uranium sont toujours radioactives avec des taux anormalement élevés. Alors que s'ouvre, ce vendredi 10 octobre, le sixième plan national de gestion des déchets radioactifs, on fait le point sur l'alerte du laboratoire indépendant CRIIRAD et la réponse du groupe Orano, ex Areva.
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Notre politique de confidentialité Le Limousin a produit un tiers de l’uranium français pendant plus de cinquante ans. Et aux abords de l’ancien plus grand site d’extraction d’uranium, il reste toujours des traces de radioactivité, plusieurs décennies après son exploitation. C’est ce que dénonce la CRIIRAD, la Commission de Recherche et d'Information Indépendantes sur la Radioactivité. Ce laboratoire indépendant alerte depuis plus de trente ans sur cette situation : "ce qui nous choque profondément, c’est que même en lançant les premières alertes il y a 32 ans, en étant venu faire des mesures sur cette route, on constate, 32 ans après, qu’il y a toujours une radioactivité qui n’est pas normale".
Cet appareil mesure 2725 coups par seconde, le taux de radioactivité près du ruisseau. •© Cécile Descubes - France Télévisions
Les appareils qui mesurent le nombre de rayonnements issus de la désintégration d'atomes radioactifs donnent un résultat en coups ou en chocs. Deux cents chocs par seconde : c’est la mesure sur un terrain dit neutre, à Bessines-sur-Gartempe, qu'a fait Bruno Chareyron, conseiller scientifique de la CRIIRAD.
Cette mesure monte selon l’endroit où l’on se trouve, comme près du ruisseau des Petites Magnelles, dont les eaux viennent d’un site de stockage de déchets radioactifs. Résultat : jusqu’à 2700 coups par seconde enregistrés près du cours d'eau :"Si on est près d'une prairie, comme c'est le cas, il y a en plus le risque d'un transfert de ces matières dans l'herbe, de l'herbe vers les animaux qui paissent dessus. Et cette contamination de l'environnement se transfère petit à petit à l'ensemble du vivant, à la flore et à la faune aquatique, et donc aux animaux terrestres et enfin, aux humains. C’est important que la population en ait conscience".
Les eaux du ruisseau des Petites Magnelles proviennent d'un site de stockage de déchets radioactifs. •© Pascal Coussy - France Télévisions
Même constat entre les ex-mines de Lavaugrasse et du Brugeaud, où tout a pourtant été remblayé, la mesure monte également, car il y a ici trois sources de radiation, comme l’indique le scientifique : "D’abord, des cailloux radioactifs qui ont été utilisés comme remblais. Il y a aussi des bords de fossés dont les sédiments sont contaminés par d’anciens écoulements des sites. Et à certains endroits, le rayonnement qu’on peut capter est lié à des stockages autour de nous".
Cette radioactivité a un impact à long terme sur la santé du fait de l’exposition des êtres vivants : "Si vous restez à certains endroits pendant plusieurs heures, vous recevez une dose de radioactivité qui n’est pas négligeable d’un point de vue sanitaire".
Quels risques sur notre santé ?
"Ce n’est pas une situation d’urgence sanitaire", affirme Bruno Chareyron. "Mais cette présence de radioactivité augmente l’exposition des personnes à cet endroit et cela comporte donc des risques à long terme".
Car même à bord d’une voiture, et malgré de faibles doses, ces rayonnements invisibles émis par l’uranium et ses descendants radioactifs (radon et radium) traversent notre organisme et y déposent de l’énergie négative. Cette énergie négative n’est pas "quelque chose qui va rendre la population malade dès demain, mais petit à petit, ces doses cumulées augmentent les risques de cancer à long terme". Des risques pathologiques très variés, qui dépendent de la façon dont on est exposés à cette radiation : "si on boit de l’eau, si on inhale des poussières… La manière dont ces atomes vont pénétrer dans notre organisme va avoir un effet sur le type de pathologies. Cela peut aller d’un cancer du poumon, à une leucémie, en passant par des maladies rénales".
Des taux anormalement élevés d'uranium ont été relevés près d'anciens miniers. •© Pascal Coussy - France Télévisions
Selon l'ingénieur en physique nucléaire, l’extraction passée de l’uranium a donc laissé beaucoup de traces radioactives, et cela, pour des millions d’années en Limousin, dans l’environnement de sites considérés comme "réaménagés", et de zones très sensibles comme les pâturages pour bovins ou encore la proximité avec des réserves d’eau potable : "À partir du moment où on sort l'uranium des entrailles de la terre, on se trouve confrontés à des problématiques que même un industriel assez puissant comme Orano ne sait pas forcément gérer, car soit les solutions technologiques n'existent pas, soit cela coûterait beaucoup trop cher".
Les résultats démontrent l’absence d’impact sanitaire sur les populations environnantes.
Sollicité, le groupe Orano nous assure le "suivi environnemental de la quasi-totalité des anciens sites miniers uranifères réaménagés de France. Vingt-cinq personnes dédiées assurent ce suivi, en collaboration avec les autorités compétentes (DREAL, Ministères, ASNR), et réalisent environ 6 500 prélèvements et plus de 30 000 analyses par an sur ces échantillons qui concernent : les contrôles atmosphériques, le milieu aquatique de surface et souterrain, et le milieu terrestre, en amont et en aval des sites". Selon l’industriel toujours, "les résultats démontrent l’absence d’impact sanitaire sur les populations environnantes".
Mais selon les mesures de la CRIIRAD, il y a bien des pollutions radioactives : "Ce n’est pas normal de laisser cette pollution dans l’environnement qui va exposer des générations et des générations".
Des questions subsistent : "les ruisseaux qui reçoivent des écoulements sont-ils traités par Orano ? Certains le sont, d’autres pas. Ces traitements sont-ils efficaces pour enlever l’uranium de l’eau avant son rejet dans les milieux naturels ?". Preuve à l’appui avec les mesures, les zones contaminées mises en évidence il y a trente ans restent contaminées. "Nous nous battons depuis des années pour assainir les routes. La meilleure façon de le traiter, c’est de changer les sols contaminés et de remettre ces déchets radioactifs dans les sites de stockage".