Berges détruites, tunnels de la taille d’une voiture… les trappeurs chassent les ragondins destructeurs
Le ragondin, très reconnaissable à ses dents oranges, a été importé en France pour sa chair et sa fourrure avant de proliférer. •© Bruno Pansiot-Villon - France Télévisions
Publié le 23/06/2025 à 17h41 Dans le marais de Hiers Brouage comme dans presque tous les marais de France, les canaux à faibles courants, les fleuves, étangs ou encore les mares, les ragondins se multiplient très rapidement, ce qui n’est pas une bonne chose pour l’environnement.
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On le confond souvent avec le castor, mais au contraire de son compère à la queue longue et plate, il est considéré comme nuisible ! On vous parle donc ici du ragondin.
Un ragondin pris dans une cage d'un piégeur. •© Guillaume Fautrat - France Télévisions
Une espèce nuisible
Si l’humain lui est hostile, c’est parce qu’il fait des ravages. Notamment sur, et sous les berges. Il les dévore, à raison de plusieurs mètres chaque année.
La dangerosité est totale, la preuve une voiture est tombée dans le ravin en 2015 et a fait deux morts.
Jean-Marie Petit Maire de Hiers-Brouage (Charente-Maritime)
"C’est malheureusement ce qui arrive si l’on ne fait rien, déplore Jean-Marie Petit. Les ragondins arrivent aussi à creuser des tunnels sous les routes qui font la taille d’une voiture".Les tranchées peuvent aller jusqu’à neuf mètres de profondeur. Pour limiter l’érosion, le maire a commencé à investir pour renforcer les verges il y a 16 ans. 1 million d’euros a déjà été déboursé.
Les berges sont mangées à raison de plusieurs mètres chaque année, mettant en danger les utilisateurs de la route. •© Guillaume Fautrat - France Télévisions
Mais comme cela ne suffit pas, il a décidé de faire appel à la Fédération régionale de défense contre les organismes nuisibles (FREDON) depuis trois ans. Ils envoient des piégeurs.
Une espèce excitée
Outre son goût prononcé pour les aliments healthy, ce rongeur aime tout particulièrement se reproduire. Il est actif sexuellement toute l’année, et c’est bien le problème des piégeurs de ragondins. Des sentinelles de l’environnement comme les surnomme le directeur de la FREDON 17.
" Un couple peut générer sept petits, trois fois par an, et un petit peu commencer à se reproduire à partir de 6 mois, constate Laurent Lay. On estime à 90 descendants par couple tous les deux ans en raison des conditions météorologiques optimales ces dernières années sans période de gelées ".
Un ragondins piégé dans une cage •© Guillaume Fautrat - France Télévisions
La lutte est inégale pour Rolland. À 74 ans, il arpente ce marais depuis toujours. C’est aujourd’hui le théâtre du combat qu’il mène contre les ragondins, qu’il traque quotidiennement.
Qu’il vente, qu’il pleut, vous me verrez toujours ici, car c’est une guerre quotidienne.
"Je suis né dans ce marais, je m’y promène depuis 70 ans et je le vois évoluer dans le mauvais sens, regrette l’agriculteur retraité. Depuis plusieurs années, on laisse le marais à l’abandon, ce qui fait le bonheur des ragondins, mais eux en profitent pour tout détruire. Un marais laissé à l’abandon conjugué à la prolifération des rongeurs, malheureusement, je pense qu’on est déjà foutu".
Rolland, piégeur bénévole de ragondins, récupère ses cages après avoir pris des rongeurs. •© Guillaume Fautrat - France Télévisions
Une espèce traquée
Pas question pourtant d’abandonner. Rolland a investi près de 10 000 euros dans son matériel – quad et cages – et a obtenu son agrément préfectoral après une formation obligatoire de 16 heures pour connaître la réglementation, les espèces, les pièges, mais également les conditions d’utilisations des piégeages.
"C’est bien toute cette théorie, mais il faut être sur le terrain pour être un bon piégeur, confie l’homme d’expérience. Par exemple, j’ai découvert que je prenais plus de bêtes lors des jeunes lunes. Quand il y a des clairs de lune, cela marche beaucoup moins, car ils voient les cages ! Il faut seulement être plus malin qu’eux, ce qui n’est pas très difficile finalement".
Rolland est piégeur bénévole du côté de Hiers-Brouage (Charente-Maritime). Sa cible est les ragondins qui prolifèrent. •© Guillaume Fautrat - France Télévisions
C’est peu dire, car sur les 5 500 ragondins piégés chaque année autour du marais de Hiers-Brouage, Rolland en a des milliers à son actif. 1 200 en 2024, 2 400 en 2023.
Une espèce sacrifiée
Au début du 21e siècle, ils n’étaient pas autant, et encore moins en liberté. Arrivés tout droit d’Amérique latine, du Chili, les ragondins, autrefois qualifiés de "tellement mignon" été exploités à l’époque pour leurs peaux et leurs fourrures.
Les manteaux de fourrure de ragondins étaient très à la mode au début du 21è siècle •© INA
Le Petit Echo de la Mode - 22 octobre 1922. •© Gallica - Ville de Paris / Bibliothèque Forney, 2019-112116
Il est même élevé pour créer des manteaux en peau de bête.
Manteaux en fourrure de ragondins •© INA
Mais toutes les belles choses ont une fin, la mode passe, le ragondin devient obsolète, la crise financière a raison de ces rongeurs qui sont livrés à eux-mêmes dans un territoire qu’ils ne connaissent pas. Et qui ne les connaît pas.
Une espèce cuisinée
Depuis, ici, ils se reproduisent donc, mais surtout, ils n’ont pas de prédateurs. "De l’autre côté de l’Atlantique, il y a les alligators, les caïmans, mais ici aucune espèce ne les mange, si ce n’est les busards qui s’attaquent aux nouveau-nés"explique Laurent Lay, directeur de la FREDON 17.
Ce sont donc les humains qui sont leurs seuls prédateurs, et qui sont rémunérés 3,50 euros par queue de ragondin. Certains le cuisinent pour en faire des pâtés ou des rillettes, et la seule entreprise de France à s’être spécialisé dedans est basée en Charente maritime. Eric et Valérie mettent à l’honneur une culture et un savoir-faire régional.
ARTICLE FR3 https://france3-regions.franceinfo.fr/nouvelle-aquitaine/charente-maritime/royan/berges-detruites-tunnels-de-la-taille-d-une-voiture-les-trappeurs-chassent-les-ragondins-destructeurs-3139250.html