"Un lieu de rencontres et d'échanges" : les députés votent une loi pour simplifier l'ouverture des bistrots en milieu rural
À Roiffé, Mandy a repris le bar de son village, il y a un peu plus d'un an, pour le plus grand bonheur des habitants. •© Claire Gressieux - France Télévisions
Publié le 26/03/2025 à 17h05 Le 10 mars dernier, l'Assemblée nationale a adopté la proposition de loi simplifiant l'ouverture des débits de boissons dans les petites communes rurales, ayant pour objectif de redynamiser ces territoires. Si ce projet doit passer au Sénat pour être définitivement promulgué, il pourrait également menacer l'existence de certains commerces.
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Notre politique de confidentialité Actuellement, la loi interdit l'ouverture de nouveaux débits de boissons. Un commerçant qui veut vendre de l'alcool doit, après accord du préfet, acquérir une licence auprès d'un autre commerçant du département, ou d'un département limitrophe, qui souhaite céder la sienne. Cette interdiction a pu freiner la revitalisation des zones rurales. Pour les porteurs de ce projet, l'ouverture de cafés et bistrots pourrait relancer l'économie de ces territoires.
Un projet de loi saluée, mais qui fait "très peur"
Mandy Stevens, originaire de la commune de Roiffé (Vienne) a repris le bar du village "Le Roif'&1" depuis plus d'un an. Elle a démissionné de son travail, "un poste classique, du lundi au vendredi avec des horaires de bureau", confie-t-elle, pour se lancer dans cette aventure. L'idée de voir le rideau du bar de son village baissé était impensable. "On a toujours connu ce bar. Je ne sais pas, ni pour qui, ni pourquoi, mais j'ai toujours dit, que ce soit avec ma famille ou à mon mari, que le jour où ce bar était à vendre, je le reprendrais, parce que je ne voulais pas que ce soit laissé à l'abandon. C'est un lieu de rencontres et d'échanges."
Le bar-tabac de Roiffé est l'occasion pour certains de se retrouver. •© Claire Gressieux - France Télévisions
Roiffé est une commune de la région du Loudunais où vivent moins de 800 âmes. Elle fait partie des 31 000 communes de moins de 3 500 habitants visés par cette nouvelle proposition de loi. Cette dernière a pour objectif, selon le site vie-publique.fr, de simplifier la création d'une licence IV dans les petites communes et permettrait, à ces communes dépourvues d'établissement de 4ᵉ catégorie, la création d'une licence IV rurale, limitée au territoire de la commune. Cette loi pourrait également donner aux conseils municipaux la possibilité d'accorder une seconde licence IV dans la commune. Un projet salué par la gérante de ce bar-tabac qui, selon elle, "est une bonne chose pour les villages qui n'ont pas de bar", mais qui pourrait à terme menacer l'existence même de son entreprise. "Si demain, on m'annonce qu'il y a un autre bar qui s'installe sur la commune, j'aurai très peur. Avec deux bars, je pense que ce serait trop compliqué, la concurrence me ferait vraiment peur."
Gérer un commerce dans un village, un investissement énorme
La reprise de l'enseigne amène un nouveau souffle dans ce village de la Vienne. Bruno Verdier, maire de Roiffé, explique que ce commerce "contribue à la vie du village. C'est un lieu où les gens aiment bien se rendre pour boire un verre en fin d'après-midi ou après le boulot, on se retrouve entre collègues ou entre copains... C'est un lieu très convivial et indispensable, à mon sens, à la vie d'un petit village."
Le bar-tabac de Roiffé représente le lieu de vie de cette petite commune rurale. •© Claire Gressieux - France Télévisions
Pour autant, devenir gérant d'un bistrot en milieu rural s'avère être un défi de grande taille. "Il faut, malgré tout, que les communes soient en capacité d'accueillir bâtimentairement parlant et qu'il y ait des porteurs de projets. Les personnes comme Mandy Stevens ont beaucoup de contrainte, elles doivent avoir des formations... Elle a désormais un comptable qui la suit dans cette activité", indique Bruno Verdier.
62 % des communes françaises sont dépourvues de commerce
À une dizaine de kilomètres se trouve la commune de Sammarçolles. En 2008, la mairie fait construire un bâtiment qui permettait d'accueillir un espace multiservices où l'on retrouve La Poste, mais aussi une épicerie, un bar-tabac et un lieu pour acheter des jeux de grattage. Pour autant, le dernier exploitant de l'enseigne a dû fermer boutique "pour des raisons de santé", précise Lysiane Berton, maire de ce village. Depuis, la commune cherche un repreneur.
Le fait d'être en milieu rural n'est pas forcément simple, car il faut faire vivre la boutique.
Lysiane Berton Maire de Sammarçolles
Trouver un successeur dans ce lieu multiservices est une tâche complexe. Pour la maire de Sammarçolles, "le fait d'être en milieu rural n'est pas forcément simple, car il faut faire vivre la boutique. Il y a également des difficultés économiques et il n'y a pas pléthore de candidats pour reprendre ce type de commerce. C'est contraignant au niveau de l'amplitude horaire, parce qu'il doit ouvrir de façon importante, de 7 h du matin à 20 h le soir, sur au moins six jours de la semaine, et cela demande un investissement énorme."
Le lieu multiservice de la commune de Sammarçolles a fermé ses portes. Depuis, aucun repreneur n'a rouvert le rideau de cette enseigne. •© Claire Gressieux - France Télévisions
Posséder les murs du bâtiment était pour la commune "une manière d'optimiser pour la personne qui tient ce commerce, d'être dans de très bonnes conditions pour pouvoir exercer son activité. Cependant, on se rend bien compte que cela a des limites. Cela tient aussi à la personnalité de l'exploitant, à la partie financière, et si la population va adhérer et va permettre au commerce de pouvoir vivre et pérenniser cette nouvelle activité", conclut la maire de Sammarçolles. Un mal profond qui dure depuis plusieurs décennies dans le monde rural français : selon les données de l’Insee, en 1980, 25 % des communes françaises ne disposaient d’aucun commerce. En 2024, elles étaient 21 000 à en être dépourvues, soit 62 % des communes françaises.
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